L'Argent

3 nouvelles de Guy de Maupassant


Mise en scène et interprétation
Rodolphe Corrion

L'histoire

LE PARAPLUIE
Monsieur Oreille, qui n’en peut plus d’aller travailler au ministère avec un parapluie misérable, finit par convaincre son épouse, pourtant très avare, de lui en acheter un neuf. Mais le nouvel objet est abîmé dès sa première sortie par les cendres d’un cigare. Choquée par le gâchis d’argent, Madame Oreille en tombe presque malade. Sur les conseils d’un ami, elle se décide à demander à son assurance de prendre en charge la réparation du parapluie. Honteuse d’abord de la démarche, elle convainc finalement son assureur de lui rembourser la facture de réparation. Victorieuse, Madame Oreille s’en va chez un réparateur, lui conseillant d’utiliser les matériaux les meilleurs car elle « ne regarde pas au prix » !

UN MILLION
Monsieur Bonnin, modeste commis de ministère, a épousé une jeune fille pauvre mais dont la tante a promis de leur léguer un million ! Aussi, c’est avec impatience que les époux Bonnin attendaient le décès de la vieille parente. Ce jour arrive, mais quelle ne fut pas leur surprise de découvrir qu’il leur fallait avoir un premier né avant trois ans pour recevoir l’héritage ! Monsieur Bonnin en tombe malade et le ménage se désespère, attendant un enfant qui ne vient jamais. Visitée régulièrement par un ami fidèle, Madame Bonnin a un jour une idée. Et elle ne tarde pas à annoncer à son mari la nouvelle de sa grossesse. On ne recevra plus l’ami à dîner mais l’héritage pourra enfin revenir à la famille, heureuse, riche et soulagée ! 

LA PARURE
Madame Loisel, épouse d’un employé ministériel, s’ennuie terriblement dans sa vie morne et petite-bourgeoise, elle qui rêve d’être une grande dame. Un jour, Monsieur Loisel rentre avec une invitation au bal du Ministère. Son épouse est bien malheureuse de n’avoir rien à se mettre, ni robe, ni bijou : elle emprunte donc une superbe parure de diamant à une riche amie. Le bal se passe, Madame Loisel est ivre de bonheur. Mais au matin, elle constate que la parure a disparu ! On la cherche, mais rien n’y fait. On emprunte donc pour la rembourser, on s’endette sur dix ans. Les Loisel changent de vie, deviennent des gens du peuple. Mme Loisel, vieillie et abîmée rencontre un jour sa riche amie dans la rue, qui lui avoue que la parure perdue était un faux !  

La mise en scène
Qui sont les conteurs d’aujourd’hui ? Avons-nous vraiment l’équivalent moyenâgeux du ménestrel, du fou, du saltimbanque que l’on aime et qui nous gêne tout à la fois ? En vérité, le conteur, celui qui dérange, qui met les pieds dans le plat, n’a plus vraiment sa place. Ou plutôt, il ne la prend pas ! Celui qui conte, par définition, c’est celui qui est extérieur à l’intrigue. Qui dérange et est extérieur tout en même temps aujourd’hui ?
Il m’a semblé qu’un personnage qu’on n’écoute ordinairement pas, une âme errante, un pauvre bougre comme l’aurait peut-être écrit Maupassant, celui qu’on appelle aujourd’hui le SDF, le clochard, le clodo, était le potentiel conteur. Avez-vous déjà rencontré un SDF qui raconte ? Souvent. Mais entre la mendicité et la misère, il est difficile de ne pas passer son chemin. 
Fort heureusement, nous sommes au théâtre, et au théâtre, on est là pour écouter. Le SDF qui vient raconter ces trois récits de Maupassant a bien connu ce monde-là, cet univers « petit-bourgeois », ces gens ordinaires qui s’accrochent à leur maigre pouvoir, à leur position à peine élevée, et surtout, à leur petit argent. Nul gaspillage pour ces couples simples qui s’offrent tout de même le luxe de la dentelle et des bibelots semi-précieux.
Il ne s’agit donc pas d’un spectacle de conte, puisque le narrateur prend parti, puisqu’il s’amuse, se moque, juge même les héros de son récit. L’ARGENT est un petit bout de rancœur, une petite vengeance cruelle, tout comme Maupassant ironise dans ses écrits et critique fortement, avec brio, un monde où les valeurs se déshumanisent et où l’apparence devient un enjeu primordial.
Notre SDF évolue dans un univers qu’il éclaire lui-même au gré du récit. Lampadaire, lampe de chevet, torche ou veilleuse : toute la mesquinerie, la cruauté, l’avidité des personnages, mais aussi leurs rêves et leurs obsessions, existent au travers des lueurs chaudes des luminaires, contrastant avec les impasses glaciales des rues parisiennes où l’on vous conte cette histoire.